Le congrès des Safer a adopté à l’unanimité 4 propositions pour rendre possibles les projets sur nos territoires, pour plus d’emploi, de diversité et d’économie.
Retrouvez ci-dessous les propositions du groupe Safer, extraites du document “Régulation du foncier : la contribution d’un expert – Propositions du groupe Safer” (document disponible en téléchargement au bas de cette page).
Le groupe Safer propose de :
1. Placer le foncier sous la protection de la nation
Un principe général du droit énoncerait que le foncier (pas seulement agricole) est placé sous la sauvegarde de la Nation, et reconnaitrait d’intérêt général :
· sa protection, dans l’objectif de limiter sa consommation et l’expansion des espaces artificialisés, de façon adaptée aux enjeux économiques,
sociaux et environnementaux ainsi qu’au développement des territoires ;
· sa mise en valeur, dans l’objectif de réhabiliter les terrains en état d’inculture ou considérés comme des friches pour l’exercice d’une activité agricole,
forestière ou agro-sylvo-pastorale, tout en veillant à la diversité des paysages, à la protection des ressources naturelles et au maintien de la diversité biologique ;
· sa nécessaire régulation, dans l’objectif de répondre aux besoins d’aménagement, de développement et d’attractivité des territoires
(en termes économique, social et environnemental).
Cette disposition serait introduite dans le code rural et de la pêche maritime et permettrait la protection du foncier, comme pour les forêts et bois dans le code forestier ou comme pour les ressources
et milieux naturels dans le code de l’environnement.
2. Rénover la régulation au service d’une dynamique des territoires
La régulation doit pouvoir reposer sur les 3 axes suivants :
· la transparence (connaissance) de tous les marchés fonciers ;
· le contrôle ciblé et efficace des marchés et des prix (et l’ensemble de ses composantes) pour faciliter l’accès au foncier agricole dans des conditions transparentes et équitables ;
· l’orientation des marchés en fonction des objectifs poursuivis par les politiques publiques et des besoins des territoires et des individus (opportunité pour l’emploi, attentes des consommateurs, protection de l’environnement, etc.), avec un suivi au travers un cahier des charges et, en tant que de besoin, un accompagnement financier du projet avec des solutions de portage du foncier.
a. Créer un guichet unique pour la transparence de tous les marchés de biens à usage ou vocation agricole
Cette proposition tend à généraliser, en créant un guichet unique géré par les Safer, la transparence à l’ensemble des mutations de propriété immobilière (par vente, donation ou démembrement) et de propriété mobilière (prise de participation sociétaire) ainsi que des actes portant sur l’usage d’un bien immobilier ou opérant une mutation de jouissance, avec ou sans mutation de propriété (bail, prêt, convention d’occupation précaire, usufruit, travail à façon, etc.).
=> qui s’applique à l’ensemble des marchés
Il y a différentes façons d’accéder au foncier en propriété ou en jouissance. Et, selon le mode d’accès, le foncier est peu ou pas du tout régulé. On peut distinguer 4 types de marché : le marché foncier immobilier, le marché sociétaire, le marché locatif et le marché du travail à façon.
=> dans l’objectif de faciliter l’accès au foncier et de promouvoir une concurrence loyale et équitable
Dans un contexte (1) où le foncier se raréfie, (2) où le marché, dans toutes ses composantes, devient globalement de moins en moins transparent, (3) où la régulation n’est plus en phase avec la réalité des marchés du foncier, (4) où les sociétés, bien qu’utiles et nécessaires, font écran au mécanisme de régulation, et (5) où se développent des structures aussi importantes (en surface) que complexes (en termes d’organisation et de gouvernance), il est nécessaire, pour promouvoir une concurrence loyale et équitable, d’obtenir plus de transparence pour permettre plus de concurrence de projets sur les différents marchés du foncier, pour faciliter l’accès au foncier agricole et garantir la liberté d’entreprendre de chacun (en limitant l’accroissement de l’écart entre « petites » et « grandes » exploitations, en freinant l’augmentation des inégalités de taille, et en maintenant une certaine homogénéité des structures).
Le tout, dans l’objectif de satisfaire les objectifs des politiques publiques, de répondre aux besoins des territoires et d’assurer une alternative aux agrandissements excessifs ou aux concentrations d’exploitations au bénéfice, direct ou indirect, d’une même personne physique ou morale.
=> sans alourdir les formalités administratives pour les entreprises
Il est proposé de rechercher, pour ne pas ajouter une contrainte nouvelle sur les entreprises, tous les moyens d’alléger véritablement le poids des formalités administratives (avec la mise en place d’un outil de téléprocédure des déclarations), d’adapter le contenu des déclarations et les délais de traitement et, enfin, de renforcer l’obligation déclarative en couplant le dépôt de la déclaration à l’enregistrement des actes.
b. Contrôler l’ensemble des projets d’exploitation
Afin de faciliter l’accès au foncier et de promouvoir une concurrence loyale et équitable, il faut que l’Etat soit en mesure de pouvoir intervenir sur tout projet d’exploitation et de pouvoir éventuellement s’y opposer.
Ce dispositif de contrôle s’appliquerait également au travail à façon intégral ou à l’agriculture déléguée et de rente (qui ne doit pas être confondu avec le recours temporaire à des prestations de travaux, qui constituent une mesure normale de gestion d’une exploitation).
=> sur la base d’objectifs liés aux enjeux des territoires
Par analogie avec l’exercice du droit de préemption, le contrôle serait fondé sur des objectifs et non plus sur des critères, pour passer d’une application mécanique des règles (priorités du SDREA) à une application concrète qui confronte la pertinence et l’économie des projets en concurrence aux besoins ou aux enjeux des territoires et de l’agriculture.
=> en approuvant ou orientant les projets
Le contrôle ne saurait être limité à la sanction ; il doit aussi permettre de trouver, avec les acteurs locaux représentant le territoire (Commission Départementale d’Orientation de l’Agriculture, voire les comités techniques départementaux) des solutions alternatives pour accompagner les parties prenantes et éviter de perturber les projets de développement économique des exploitations.
=> en s’assurant de leur réalisation par l’Instauration d’un cahier des charges
La décision d’approbation serait conditionnée au respect, selon le cas, d’un cahier des charges légal ou renforcé, permettant de s’assurer de la pérennité du projet d’exploitation, de le suivre et d’en contrôler ou d’accompagner son évolution.
=> en promouvant une agriculture professionnelle
Il est proposé de soutenir et d’encourager une agriculture professionnelle, durable et diversifiée (systèmes de production, biodiversité…) et de maintenir l’ancrage territorial des exploitants (producteurs, éleveurs…) pour le développement économique des territoires. Cela suppose aussi de définir le statut juridique de l’exploitant.
c. Contrôler l’ensemble des marchés immobiliers et mobiliers
=> par l’amélioration des droits de préemption existants
Les droits de préemption des Safer ont fait la preuve de leur utilité et efficacité pour moraliser le marché du foncier, même s’ils ne constituent en aucun cas le mode d’intervention à privilégier pour les Safer.
Les lois les plus récentes ont contribué à les renforcer, cependant ils restent perfectibles au regard des pratiques constatées sur le terrain en matière notamment de démembrement de propriété, de cession de biens mixtes, ou changement d’usage de bâtiment en zone non constructible. Ils doivent être ainsi renforcés pour plus d’efficacité et adaptés en conséquence de l’actualisation des missions confiées aux Safer (cf. proposition n° 4).
=> et en instaurant un principe d’agrément des mutations de parts de sociétés
Les Safer exerceraient, sous le contrôle de leurs commissaires du Gouvernement, un contrôle :
· sur toutes les cessions de parts de sociétés ayant du foncier en propriété ou en jouissance, ou détenant des droits sur de telles sociétés (holdings), à l’exception des opérations intrafamiliales.
· ciblé sur les sociétés qui ne remplissent pas les objectifs fixés par le législateur (concentration excessive…) ou dont le projet du cessionnaire ne s’inscrit pas dans la politique des territoires ;
· adapté à chaque situation : soit en s’opposant à la cession, soit en la conditionnant au respect d’un cahier des charges, soit en proposant un projet alternatif.
3. Encourager, par des mesures incitatives notamment fiscales, l’orientation du foncier vers les projets adaptés aux enjeux des territoires
Il est nécessaire, pour ne pas fonctionner que par la contrainte, d’agir sur la fiscalité pour produire les bonnes « incitations », laissant les acteurs libres de faire des choix, mais les incitant à faire des choix qui produiront d’une façon isolée ou d’une façon globale ou croisée, immédiatement ou à terme, un résultat correspondant à celui qui est voulu par le législateur.
Il s’agirait aussi de rétablir une forme d’équité entre les entreprises agricoles, quelle que soit leur forme d’organisation (individuelle ou sociétaire).
Il s’agirait par exemple de réserver le taux fixe de droit d’enregistrement de 125 € aux seuls acquéreurs qui participent aux travaux sur les lieux de façon effective et régulière ou permanente ou de permettre aux Safer de démembrer une exploitation sociétaire sans fiscalité des plus-values.
4. Formaliser la transparence et l’efficience du fonctionnement de la Safer à travers des missions modernisées et un cahier des charges de la gestion du service public
Le législateur a confié aux Safer, société anonyme à but non lucratif, la gestion de missions de service public. Si la loi encadre déjà très largement les conditions d’exercice de cette mission, et les place sous la tutelle de l’Etat (agriculture et finances) et sous le contrôle du juge judiciaire, un cahier des charges permettrait :
· de mieux faire connaître le rôle, les missions, les actions et moyens d’action des Safer,
· de rendre transparente la gestion des missions de service public,
· de renforcer le positionnement des Safer au service de la multifonctionnalité des territoires,
· de souligner l’exercice de la tutelle par l’Etat (échelon local et national) et
· de marquer la coordination de cette tutelle et de l’activité des Safer avec la tête de réseau (Maison des Safer).
Ce cahier des charges permettra ainsi de renforcer la légitimité d’une intervention d’un acteur « privé » dans la gestion d’un service public.
Il est également proposé de redéfinir les missions des Safer, en les actualisant et en les adaptant au mieux à la multifonctionnalité de l’agriculture et des territoires ruraux. L’objectif est de rassembler, dans un texte unique (art. L. 141-1), au regard des activités, compétences et expériences actuelles des Safer, les actions que celles-ci peuvent utilement conduire, séparément ou conjointement, en faveur de l’agriculture, de l’environnement, de la forêt et des territoires ruraux.