Congrès du Comité Européen de Droit Rural (CEDR) à Poznań (Pologne)
du 18-21 septembre 2019 – Protection et régulation du foncier agricole (Com. II)
La commission II avait pour thématique la protection et la régulation du foncier agricole.
Michaël RIVIER, directeur juridique de la FNSafer, a été mandaté par l’Association française de droit rural (AFDR) pour représenter la France et présenter un rapport national sur ce thème (qui fera prochainement l’objet d’une publication dans la Revue de droit rural).
Voici un résumé du rapport :
En France, le foncier agricole est une ressource sous tensions. Parce que l’avenir des agriculteurs et des territoires est en jeu, il devient crucial et urgent de porter un autre regard sur le foncier et d’adopter des mesures législatives adaptées et efficaces.
La priorité est d’abord celle de protéger nos terres agricoles face à l’artificialisation et à la concurrence sur les usages du sols (I). Les différentes sources de données indiquent que la surface artificialisée en France ne cesse de progresser (61 200 ha par an selon les données Teruti-Lucas du ministère de l’agriculture). L’artificialisation des sols est majoritairement destinée à l’habitat individuel (47 %) et aux infrastructures de transports (24 %). Elle se fait en grande majorité au détriment des terres agricoles (2/3 des surfaces artificialisées, soit 40 800 ha par an) et affecte principalement les terres à fort potentiel agronomique (1/3 des surfaces agricoles artificialisées, soit 13 600 ha par an). Le repli des espaces agricoles est préoccupant sur le terrain de l’alimentation, premier besoin primaire, et pour notre autonomie alimentaire. Il est également préjudiciable à l’environnement (A). Pour lutter contre ce phénomène, les instruments de planification se sont multipliés et quelques outils particuliers de protection du foncier agricole ont été mis en place (ZAP et PAEN). Malgré cet empilement d’outils, la protection des terres agricoles est jugée encore trop insuffisante. Le droit rural est relativement désarmé pour protéger les espaces agricoles. Le droit est à la traîne pour lutter contre la dégradation des sols. Mais récemment, une prise de conscience collective et progressive semble conduire le Gouvernement à envisager des mesures pour protéger les sols en vue d’atteindre l’objectif qu’il s’est fixé de « zéro artificialisation nette » (B).
L’urgence est ensuite de mieux réguler les marchés donnant accès au foncier agricole en vue de satisfaire les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture (II). La régulation apparaît comme une justification légitime au regard de ces objectifs, notamment celui d’assurer le renouvellement des générations. Elle est structurée principalement autour de deux institutions d’ordre public (Safer et contrôle des structures des exploitations agricoles). S’il a permis jusqu’alors de limiter l’accroissement de l’écart entre “petites” et “grandes” exploitations, et donc de maintenir une certaine homogénéité des structures, notre système de régulation se fragilise depuis ces dernières années par le développement croissant de nouveaux modes d’accès au foncier (marché sociétaire, travail délégué) et est en perte d’efficacité pour lutter contre l’accaparement et la concentration excessive des terres. La perspective d’une dérégulation prolongée est alarmante (A). Aussi, l’adaptation des outils de régulation ne peut plus attendre ; elle est devenue indispensable pour tendre vers davantage de transparence et pour renforcer le contrôle du foncier agricole, quel que soit son mode d’accès, dans l’objectif de favoriser la transmission des exploitations et l’installation de jeunes agriculteurs. Divers organismes apportent actuellement au Gouvernement leur contribution à la réflexion menée sur ce sujet complexe pour construire l’Agriculture de demain (B).
Ces sujets sont au cœur des préoccupations gouvernementales et au cœur de l’actualité récente de notre pays. L’enjeu (et l’effort) collectif est de parvenir à contenir la consommation des terres agricoles et de mettre en place, au plus vite, en trouvant un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la protection de certains droits et libertés (comme la liberté d’entreprendre ou le droit de propriété), une régulation renouvelée et efficace qui redonnera aux territoires le pouvoir de choisir une agriculture dynamique, viable et vivable. Cela nécessitera de prendre sans délai des mesures législatives ambitieuses et innovantes et de renforcer la coordination des politiques publiques de la ville, de la biodiversité et de l’agriculture.
Source Photo : Michał Kalet Photography